Mehdi Derfoufi "Sexe, Race et Gaming. Le jeu vidéo à l'épreuve des différences", 2019
Une « politique de diversité » ambitieuse implique de faire pression sur l’industrie afin qu’elle modifie ses pratiques de recrutement, de management, de création et encourage les productions inclusives. L’idée est ainsi qu’une présence accrue des minorités ethno-raciales et de genre aux manettes des productions ne peut qu’entraîner ou du moins favoriser une évolution de la représentation de ces mêmes minorités dans les jeux. À la fois en quantité (davantage de personnages noirs, asiatiques, latinx* C’est-à-dire latinos et latinas. ou arabes dans les jeux) et en « qualité » (davantage de personnages noirs, asiatiques, latinx ou arabes intéressants, complexes, échappant aux rôles traditionnels et au carcan des stéréotypes racistes).[...] Cependant, les discours sur la diversité tels qu’ils sont généralement mobilisés aujourd’hui véhiculent un certain nombre d’ambiguïtés. Par exemple, on y trouve souvent une confusion entre « genre » et « sexe » qui non seulement a tendance à renforcer une conception binaire des expressions de genre, mais contribue aussi à masquer l’hétérogénéité des catégories sociales et la façon dont elles s’articulent.

L’identité de genre d’un individu se construit avec et au travers de ses inscriptions en termes de sexualité, de classe, de race, de religion… Cela pose une difficulté : sur quelle base défendre la représentation et la visibilité des groupes minoritaires, dès lors qu’il n’existe pas d’homogénéité des catégories « femmes », « noirs », etc. ? De plus, ce n’est pas parce qu’un studio donne des gages en matière de représentation des femmes qu’il développe pour autant une sensibilité à une meilleure représentation des minorités en général (quid de la transphobie par exemple ?).
Corpus de représentations plus diverses sont toujours les mêmes : Mass Effect, Fable III, Assassin's Creed et Assassin's Creed III : Liberation, Stardew Valley
L’émergence du gaming postcolonial dans le contexte du capitalisme globalisé rappelle qu’une « diversité » qui ne s’accompagne pas d’une remise en cause de la nature systémique des dominations – naturalisées et invisibilisées à travers les institutions, les cadres de pensée, les principes et valeurs, etc. – n’est qu’une concession cosmétique du système dominant. Une concession qui n’empêche nullement la perpétuation des inégalités et des représentations sexistes et racistes. Il ne suffit pas que le personnage que nous jouions soit noir ou arabe, trans’ ou queer. Encore faut-il envisager la façon dont ce personnage est représenté, graphiquement mais aussi narrativement, et prendre en considération le type d’interactions possibles avec les autres personnages non joueurs, la façon dont l’ensemble des gamers et gameuses reçoivent le personnage, comprennent le jeu, comment ils et elles y jouent. Enfin, il faut plutôt problématiser la question des discriminations au regard du système social qui les autorise et non se contenter de les présenter comme des épiphénomènes ou la conséquence de dérives individuelles.

Les pratiques amateur et la création indépendante qui garantissent la vitalité du jeu vidéo et ses capacités de renouvellement sont des sites privilégiés pour les minorités. Mais faire une place aux minorités ne suffit pas à changer les choses en profondeur. Si l’ambition est de produire des représentations non discriminantes, il est nécessaire que les minorités aient non pas une place mais le pouvoir, à travers leurs expressions spécifiques, de définir les règles du jeu.
Figures de la recherche francophone :
Fanny Lignon, Genre et jeux vidéos, 2015
Marion Coville sur les représentations féminines
Laura Goudet sur les représentations queers
Aida Benhenda sur les représentations de femmes musulmanes
h. youtubeuse trans qui parle de l'impact des systèmes capitalistes sur les designs de jeu
Spéculation visant à définir ce qui est désirable autour des imaginaires de représentations
Ouverture sur les add-ons pour étendre TINA vers des contextes d'activation ancrés
Recherches en cours
Contexte
Genèse de TINA
Foyer de TINA
Les développeureuses queer et queer games existaient déjà avant l'explosion du GamerGate. Les prises de positions et luttes féministes qui ont émergée du Gamergate on permis de visibiliser et créer des liens entre problématiques féministes (de représentation, d'invisibilisation et d'exclusion des femmes et personnes dissidentes dans une industrie dominées par les hommes blanc cis hétéro) et le monopole de la définition de ce qui est du jeu vidéo (revendiqué par de nombreuses communauté de Gamer comme essentiellement sexiste et codé pour répondre à certaines norme).

Suite à la popularisation de ces outils, on a vu se multiplier les plateformes de création commmunautaire et d'hébergement de jeux alternatifs. Les recherches actuelles mettent en exergue cette intersection entre questions des représentations de la diversité et réappropriation des modalités de création de jeu vidéo par les communautés marginalisées.

A l'heure actuelle, meme si les industries communiquent et se donne une image d'ouverture et d'inclusivité, il ne faut pas perdre en vue qu'elles font ça avec des vues mercantiles et dans des contenus souvent optionnelles où la charge de représentations et d'inclusivité est assumée par les choix de lae joueureuse.
Verity Ritchie et Ada Černoša dans le cadre d'une étude sur la représentation des personnages bisexuel.les mettent en avant le "Gay button" comme un moyen habile de laisser la charge de la représentation de l'homosexualité ou de la bisexualité sur lae joueureuse qui choisira de s'engager dans des romances non hétérosexuelles. Les choix des joueureusex ne transparaissent pas dans les dialogues si lae joueureuse ne s'engage pas d'elle-même dans des romances avec des personnages du même genre que son avatar.
Dans cette vidéo, h. rappelle que les questions posées autour de la représentation de genre notamment ne doivent en aucun cas se substituer à des questionnements plus profonds sur les structures hiérarchiques capitalistes qui permettent à des systèmes d'oppression de se manifester par la forme de stéréotypes. Focaliser sur la représentation est un risque de dépolitisation d'enjeux beaucoup plus profonds et intersectionnels.